La Française, journal du progrès féminin
En 1906, la journaliste Jane Misme (1865-1935) fonde La Française, un hebdomadaire qui lui survit jusqu’en 1940. Sous-titré “Journal du progrès féminin”, puis “Journal d’éducation et d’action féminines”, et enfin “Journal d’information et d’action féminines”, il est représentatif du féminisme réformiste de la Belle Époque “dont il assume les caractéristiques principales : prudence, modération et neutralité”1.
En 2014, la BMD a bénéficié d’un chantier de numérisation de la Ville de Paris pour numériser l’intégralité des numéros en sa possession. Vous pouvez donc les consulter, depuis chez vous, via le portail des bibliothèques spécialisées !

Pour annoncer le lancement de son hebdomadaire et obtenir des souscriptions, Jane Misme a recours au talent de la peintre Alice Kaub-Casalonga2 (1875-1948). Cette dernière crée une affiche, reproduite en couverture du premier numéro de La Française.
Selon l’historien Alexandre Sumpf, le dessin d’Alice Kaub-Casalonga témoigne d’une façon nouvelle de représenter les femmes : “ni allégorie, ni princesse, ni amante, ni mère, ni épouse, le personnage est juste une femme”.
Jane Misme3 débute dans le journalisme en 1896, collaborant à divers journaux, parmi lesquels Le Matin, Le Figaro, La Revue de Paris ; ses articles portent surtout sur le rôle social des femmes dans le passé ou sur les nouvelles carrières féminines. De 1899 à 1905, elle tient la rubrique théâtrale de La Fronde. À partir de 1915, Jane Misme écrit aussi dans L’Œuvre et Minerva.
En 1906, le lancement du journal s’accompagne d’une autre création, celle du Cercle de La Française, “foyer d’action pratique et morale pour tous les intérêts féminins”. En effet, Jane Misme prend, de longue date, une part active aux organisations féministes et féminines. Dès 1893, elle est secrétaire du groupe L’Avant-Courrière (dont le programme “modeste” semble plaire au Figaro, contrairement aux “agitations” de réformistes plus radicales). De 1909 à sa mort, en 1935, elle assure la fonction de vice-présidence de l’Union française pour le suffrage des femmes, et la présidence de la section “Presse, Lettres et Arts” au Conseil national des femmes françaises. Elle est aussi déléguée au Conseil international des femmes.



À partir de 1926, Jane Misme confie la direction de La Française à Cécile Brunschvicg (1877-1946).

Cette dernière partage les idées des réformistes modérées4. Tout comme Jane Misme, elle s’illustre au Conseil national des femmes françaises (dans la section Travail), ainsi qu’à l’Union française pour le suffrage des femmes (dont elle est la secrétaire générale dès sa création, en 1909, puis la présidente de 1924 jusqu’à sa dissolution en 1944).
Cécile Brunschvicg est surtout connue pour sa participation au gouvernement de Léon Blum : aux côtés de Suzanne Lacore (Protection de l’enfance) et d’Irène Joliot-Curie (Recherche scientifique), elle est l’une des trois femmes sous-secrétaires d’État du Front Populaire. De juin 1936 à juin 1937, elle s’occupe ainsi de certains dossiers dépendant du ministère de l’Éducation nationale.
Les archives de Cécile Brunschvicg sont conservées à Angers, par l’association du CAF (Centre d’archives du féminisme).
La Française est l’un titres de presse au service de la cause féministe qui eut la plus grande longévité.
La bibliothèque Marguerite Durand conserve également un important fonds d’archives Jane Misme, légué par sa fille, Clotilde Brière-Misme (qui prêta sa plume au journal maternel, pour la rubrique “Art” !).
- Cécile Formaglio, “L’hebdomadaire La Française : le journal du féminisme réformiste”, Le Temps des médias, n° 29, 2017/2, p. 33-47 [↩]
- Voir la base de données “Salons 1673-1914“, créée par le Musée d’Orsay. Elle indique 6 participations d’Alice Kaub, puis Kaub-Casalonga par son mariage en 1906, au Salon des artistes français et au Salon d’automne [↩]
- Esther Delord, Une femme comme sujet d’histoire : Jane Misme, journaliste et fondatrice de La Française, mémoire de maîtrise sous la direction d’Annette Becker, Université Paris X-Nanterre, 2005. La BMD possède un exemplaire de ce travail universitaire. [↩]
- Voir Cécile Formaglio, “Féministe d’abord”. Cécile Brunschvicg (1877-1946), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014. Ce livre est issu d’une thèse d’école des Chartes [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Juliette Eyméoud (15 octobre 2024). La Française, journal du progrès féminin. L'effet Marguerite. Consulté le 23 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12hlr